La femme au lit
Henri Toulouse-Lautrec la Troupe de Mademoiselle Eglantine
1/ Cette feuille, gravure polychrome, scène de la vie quotidienne dans un bordel, est proche des "images du monde flottant", ce que renforce l'imbrication systématique de surface avec ou sans motifs, de plages de couleurs ou simplement blanches. Avant que la couverture ne devienne couverture, bien posée sur le lit et pendante sur les côtés, elle est et reste un rose froid en deux parties qui a un lien par la couleur avec le casque orange des cheveux de la tenancière dont la silhouette aux formes opulentes est vide de couleurs.Ce rose heurte les bras maigres et ouverts de la fille, rend sa pâleur plus maladive encore et fait pâlir tout le reste. Seuls quelques traits esquissés détache le haut du corps de la fille des draps blancs donnant l'impression qu'elle pourrait se lever aussi et que l'oreiller devient une excroissance monstrueuse, un cri muet que le geste de soumission des bras a repoussé vers l'arrière. De tels contrastes, qui, au-delà de la signification objective du dessin, établisent des relations ambiguës entre les surfaces, nous les retrouvons sans cesse dans les estampes japonaises.
Henri Toulouse Lautrec: femme au lit 1896
Les deux figures restent libres dans leurs vêtements, pas d'étoffe précieuse comme terrain de jeux de motifs et de plis. On aperçoit l'intérieur peu avenant de l'établissement de prostitution, pas de décor élégant des maisons vertes. Ce ne sont pas les procédés de style qui sont réalistes mais les conditions de vie qu'ils dépeignent. La poésie se trouve dans la capacité très personnelle de sentir et de comprendre ainsi que dans l'expression très puissante de cette sensibilité et non dans la transfiguration des beaux semblants.